Culture scolaire

Instaurer une culture du bien-être au lycée

CePAS 23 Mar 2022

De quel bien-être parle-t-on ?

La définition de l’OMS est généralement la référence première en matière de bien-être et de santé : elle nous rappelle qu’il n’y a pas de santé sans bien-être et que celui-ci s’appuie sur des facteurs subjectifs et objectifs. Il apparaît toutefois opportun de préciser cette grille de lecture. Nous pouvons par exemple prendre en considération ce que le    Conseil de l’Europe (CoE) élabore pour appliquer la notion de bien-être au contexte scolaire. L’on apprend alors que la sécurité physique et affective ainsi qu’un sentiment d’appartenance, de raison d’être, d’accomplissement et de réussite participent au bien-être de tous et toutes. De plus, il ressort de cette prise de position du CoE que le bien-être de la personne individuelle est l’affaire de tous, en l’occurrence de tous les acteurs scolaires : « comme le bien-être comporte de nombreuses facettes, l’amélioration du bien-être des élèves à l’école exige une approche scolaire globale, impliquant à la fois les enseignants et les parents. » Prendre en compte la personne dans toutes les dimensions caractérisant sa vie et son vécu et viser ensemble à améliorer le bien-être individuel et le vivre ensemble, voilà ce que recouvrent les termes largement utilisés de « whole-school approach ».

Sur quoi agir pour améliorer le bien-être ?

Les administrations du ministère de l’éducation nationale, dont les missions concernent explicitement le développement et la santé des enfants et des jeunes durant leur scolarité, ont dès leur mise en service dû s’attacher à répondre à la question suivante : quelles actions concrètes le personnel psycho-socio-éducatif (PSE) doit-il mener dans l’objectif de favoriser le sentiment d’appartenance, de réussite et d’accomplissement des élèves ? Sur quelles dimensions, individuelles, groupales et institutionnelles faut-il travailler dans le secteur de l’éducation formelle et non formelle pour développer la santé, le bien-être, la réussite et la participation des enfants et des jeunes ?

Ces professionnels PSE, de plus en plus nombreux en milieu scolaire surtout depuis les années 2000, puis 2017 (avec l’élargissement de leurs missions), ont apporté à la communauté enseignante leur expertise propre au développement global de la personne. Au niveau individuel, les disciplines des sciences humaines et sociales ont depuis des décennies défriché le terrain et définissent assez clairement le fonctionnement cognitif, émotionnel, comportemental de la personne, et à une mesure un peu moindre celui du groupe, comme objet de leur étude et de leurs actions. Ces sciences ont élaboré des méthodologies de diagnostic, de dépistage, d’intervention et de postvention et plus récemment aussi de prévention. En identifiant des facteurs de risque et, depuis le changement de paradigme du déficit vers le bien-être, aussi des facteurs ressources, un psychologue, éducateur, orthophoniste, assistant social, saura agir sur les représentations, les émotions, le comportement, les relations du jeune de manière à favoriser non seulement son adaptation, mais aussi son épanouissement. De plus, il impliquera l’enfant et sa famille dans la définition et l’évaluation des objectifs de son accompagnement.

Néanmoins, deux types d’avancées apparaissent à l’heure actuelle importantes à prendre en compte afin que l’action psycho-sociale et éducative et l’enseignement puissent agir en symbiose et gagner en qualité dans le secteur de l’éducation formelle et non formelle. En effet, afin de développer des politiques éducatives convaincantes, globales, efficaces et durables en faveur du bien-être des jeunes, afin de faire valoir ce qui se fait déjà, nous plaiderons à ce que toutes actions répondent aux deux critères essentiels suivants :

  • Le développement des compétences socio-émotionnelles et éthiques est au centre de l’action pédagogique, éducative et psycho-sociale et intègre les avancées des neurosciences, et plus généralement de toutes les sciences explorant les ressources de l’être humain, en lien avec celles de son environnement, social et écologique, selon une approche systémique[1]. « Si l’apprentissage des compétences socio-émotionnelles et éthiques a pour but de faciliter une plus grande « éducation émotionnelle » chez les élèves, il cherche également à promouvoir une « éducation éthique ». Il ne s’agit pas ici d’adhérer à des obligations morales particulières imposées de l’extérieur, mais de développer chez les élèves et les étudiants des aptitudes et une compréhension capables de promouvoir des comportements aptes à favoriser leur propre bien-être et celui d’autrui.[…] Pour être éthique, l’évaluation des conséquences doit prendre en considération l’impact des actions sur les multiples groupes concernés. Lorsque les élèves examinent un problème particulier, il est important de les amener à prendre en considération les nombreux groupes humains que leur action va affecter. Cet exercice est clairement associé à la composante de l’appréciation de l’interdépendance. »[2]

Les programmes d’action peuvent ainsi être curriculaires ou extracurriculaires et concernent tous les corps professionnels du secteur éducatif.

  • Les pratiques collaboratives multi- et interdisciplinaires sont essentielles afin de faire valoir, de manière concertée, les savoirs de plus en plus pointus et spécialisés des différents professionnels qui s’attachent tous, c’est leur point de convergence, à atteindre un objectif général commun : celui, de participer à ce que chaque jeune, le plus respectueusement possible de son origine, de son genre, de sa culture, de ses caractéristiques individuelles, puisse tendre vers une vie adulte, autonome, épanouissante, engagée et responsable. L’approche partagée est holistique, inclusive, fondée sur l’équité (la reconnaissance de l’humanité commune), les interventions culturellement appropriées, l’approche ascendante et participative valorise justement la diversité.

Outre la définition de points d’ancrage thématiques (violence, santé mentale, addiction, éducation affective, digitalisation p.ex.), toute stratégie en faveur du bien-être dans l’éducation des jeunes, s’appuiera sur ces deux piliers, véritables objectifs-cadre assurant une approche globale et systémique.

Les objectifs phares à retenir seraient :

  • Mettre l’accent sur le climat de la classe et de l’école y compris les règlements et leurs applications pratiques en matière de comportement, d’harcèlement et de diversité afin de permettre une perception positive de la sécurité de l’école et d’augmenter le sentiment d’appartenance à l’établissement (école, maison de jeunes, internat)
  • Placer la relation et la connexion à soi et aux autres au cœur de la promotion du bien-être : des relations positives avec les enseignants, le personnel d’accompagnement et les pairs (respect, connexion, soutien, respect de la diversité et absence d’harcèlement), des perceptions positives de la sécurité de l’école (telles que les directives et la clarté des règles et leur application) et de l’appartenance à l’école, sont associées à une augmentation du bien-être psychosocial et des comportements prosociaux, ainsi qu’à une diminution des problèmes de santé mentale et des comportements à risque.

Aujourd’hui, dans mon lycée, par où commencer concrètement ?

Une fois le cadre d’action et les objectifs généraux définis, se pose la question du comment. En bref : mille et une portes d’entrée existent et sont praticables, à chacun de choisir selon son lycée, son établissement. Une condition garantit efficacité, durabilité et évitera essoufflements et impasses : savoir le plus précisément possible où l’on va, comment, pourquoi – et avec qui. Plutôt que d’ouvrir une porte, la refermer, en ouvrir une autre au gré des inspirations, il sera décisif de situer des actions individuelles dans une stratégie d’ensemble.

Un bref arrêt sur la question du « pourquoi s’engager ? » : s’il est toujours possible d’y répondre rationnellement – les études scientifiques avancent des arguments multiples – une réponse qui implique valeurs, vécu personnel de la part des acteurs concernés sera décisive pour se lancer dans un changement profond, durable et bénéfique pour tous. Être capable, en tant qu’adulte de percevoir ce qui impacte son propre fonctionnement émotionnel et cognitif, entretenir une relation bienveillante à soi-même ainsi qu’aux autres, ces compétences permettront de répondre à la question de « pourquoi s’engager dans un projet en faveur du bien-être ? » en connaissance de cause et conséquemment de manière convaincante. La posture personnelle de chaque acteur donnera sens, ou non, à l’action. Par où commencer ?  Par soi-même et son cercle relationnel.

Le schéma ci-dessous s’attache à lister des actions – portes d’entrée possibles- tout en rangeant ces pratiques inspirantes dans un concept global d’action qui pourra être considéré comme le schéma directeur d’une stratégie.

Les pratiques nommées sont issues d’expériences du terrain, de la littérature scientifique, de recommandations politiques : il s’agit d’outils, de programmes, de procédures institutionnelles, de postures professionnelles qui toutes, à leurs échelles, constituent, si bien placées, un levier pertinent pour avancer vers une culture du bien-être dans son établissement.

Schéma modèle écologique du développement humain de Bronfenbrenner
avec pyramides USI (exemples de projets et dispositifs)

Références – pour aller plus loin

Programmes d’action et de formation disponibles actuellement (mars 2022)

  • Share Your cloud: Utiliser la créativité des jeunes et leur propre langage comme vecteur de sensibilisation et d’information afin de déstigmatiser la santé mentale.
  • Screenscout: Prévenir les comportements d’utilisation excessive des médias en formant spécialement des jeunes (multiplicateurs) pour transmettre à d’autres jeunes leurs connaissances sur les jeux vidéo, les offres Internet et autres offres médiatiques numériques.
  • S-Teams: Prévenir la violence dans les lycées en incitant les jeunes à réaliser leurs propres actions et activités de prévention pour sensibiliser leurs camarades.
  • Espaces de parole régulés: Favoriser l’expression des émotions et le partage du vécu singulier de chacun en instaurant une hygiène de communication apaisante au sein du quotidien scolaire. Il s’agit d’un outil de promotion de la santé mentale et de prévention de la violence.
  • Itinérant: Développer les compétences socio-émotionnelles des élèves grâce à un matériel pédagogique innovant.
  • Inspiration Box: Faciliter et favoriser un échange entre les structures de jeunesse et les écoles grâce à cette boîte regroupant les méthodes et les activités créatives mises en place par les lycées pendant ou avant la pandémie.
  • Interventions en Psychologie Positive: Améliorer ou renforcer le bien-être des personnes, en proposant des stratégies de régulation émotionnelle ou des exercices censés stimuler le recours à des représentations, sentiments ou comportements positifs et se rapprocher d’un état de fonctionnement optimal.
  • Stop&Go: Renforcer la connaissance et l’estime de soi par l’expression corporelle et non-verbale.
  • Premiers secours en santé mentale – programme Youth: Former des secouristes en santé mentale afin d’aborder un adolescent en souffrance psychologique, d’évaluer son niveau de souffrance, d’évaluer s’il est en état de crise psychologique ; d’assister la personne jusqu’à ce que de l’aide d’un professionnel de la santé mentale soit disponible ; de prévenir les réactions indésirables possibles des personnes venant en aide.

 


[1] NESET Une approche systémique et globale de la santé mentale et du bien-être dans les écoles de l’UE
[2] https://seelearning.emory.edu/
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