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Apprentissage mixte: bénéfices potentiels, défis et stratégies de l’enseignement

Denis Shirnin 18 Mai 2022

Perspective théorique

Aujourd’hui, nous parlons beaucoup des différents types d’apprentissage, en particulier des approches qui incluent l’utilisation des technologies numériques. L’un des modes pédagogiques le plus souvent cité est l’Apprentissage Mixte (Blended Learning). L’origine de ce terme remonte à 1999, lors de la présentation de nouveaux cours d’apprentissage par « EPIC learning » (Friesen, 2012). Il existe de nombreuses perspectives divergentes sur la nature de l’apprentissage mixte. Cependant, la définition ou la tentative de définition la plus courante appartient à Graham, qui la définit comme un système d’apprentissage qui « combinent l’enseignement en présentiel avec l’enseignement assisté par ordinateur » (Graham, 2006). Au fil des années, de nombreuses autres définitions ont vu le jour, mais toutes ont été construites autour de la vision initiale de Graham de l’apprentissage mixte.

Le dictionnaire anglais définit le mot « blend » comme le mélange ou la combination des choses alors que le mot « learning » signifie l’assimilation de nouvelles connaissances. La plupart des tentatives de définition du terme d’apprentissage mixte intègrent l’idée de combiner l’utilisation d’Internet et des médias numériques avec les approches pédagogiques existantes qui nécessitent la présence physique de l’enseignant·e et des étudiants. Cependant, selon les dernières recherches, les définitions susmentionnées manquent de clarté et ne reconnaissent pas pleinement le processus d’apprentissage (Cronje, 2020). En d’autres termes, il n’y a toujours pas de vision claire dans la méthodologie donnée sur la manière permettant de mettre davantage l’accent sur l’apprentissage.

Un autre facteur important, qui joue un rôle crucial dans la méthodologie de l’apprentissage mixte, est l’idée de transmission des connaissances (knowledge delivery). Les chercheurs soulignent que l’apprentissage mixte doit consister d’une combinaison efficace de différents modes de transmission, ainsi que de diverses approches pédagogiques et styles d’enseignement. Afin d’élaborer efficacement la méthodologie de l’apprentissage mixte, l’enseignant·e doit combiner la diffusion en ligne de contenus éducatifs avec des instructions en direct de manière à pouvoir personnaliser l’apprentissage (Kaur, 2013).

Ce facteur est important, car il représente le cœur de la méthodologie donnée. En d’autres termes, la question clé qui décrit la problématique est la suivante : que devrait être mélangé exactement ? Il existe plusieurs points de vue sur cette question. Une partie de la recherche actuelle considère le mélange (blending) comme un changement structurel, signifiant qu’afin de fournir une expérience d’apprentissage, le mélange devrait impliquer le mixage de différentes formes de médias de communication, de canaux de communication et de technologies. D’autre part, une partie de la recherche actuelle considère le mélange comme un changement pédagogique et de processus. Cette perspective donne plus d’importance au fait de considérer le mélange comme une combinaison de différentes approches d’enseignement et d’apprentissage plutôt que de différentes modalités (Starr-Glass, 2021).

Afin de mieux comprendre les éléments constituant le concept d’apprentissage mixte, les chercheurs suggèrent d’utiliser un modèle qui peut servir de guide pour évaluer l’efficacité du cours. Le modèle donné se compose de plusieurs éléments, dont (a) la composante d’environnement d’apprentissage, (b) la composante de média et (c) la composante pédagogique.

La composante d’environnement d’apprentissage

Selon la recherche, un environnement d’apprentissage peut être soit synchrone soit asynchrone. Dans le cas de l’environnement synchrone, tous les participants, y compris l’enseignant·e, assistent au cours en même temps, soit au même endroit, soit via des technologies depuis des endroits différents. Cela permet aux instructeurs/-trices de diriger une classe en temps réel, en présentiel ou en ligne. Cela rend également possible la communication et la collaboration en temps réel. D’autre part, l’environnement asynchrone ne requiert pas la participation simultanée des étudiant·e·s et des enseignant·e·s. Il permet aux participants de bénéficier d’une certaine souplesse dans le processus d’apprentissage, chaque apprenant peut étudier à son propre rythme. Les étudiant·e·s peuvent consulter le matériel, se connecter avec leurs pairs et les enseignant·e·s selon leur propre planning. Afin de maintenir les discussions en cours entre les participants, les classes en ligne asynchrones utilisent différents outils tels que les forums et les tableaux de messages.

La composante de média

La composante de média fait référence au format de diffusion, c’est-à-dire la manière dont l’instructeur/-trice choisit de partager le contenu éducatif. Les médias pédagogiques diffèrent selon le type d’environnement cible, synchrone ou asynchrone. Ainsi, certains supports pédagogiques peuvent être plus appropriés à un type d’environnement qu’à un autre, ce qui suppose que le choix du mode de diffusion peut affecter le processus de conception du contenu mais pas les résultats de l’apprentissage.

La composante pédagogique

La composante pédagogique, en revanche, est une partie du modèle qui a un impact direct sur les résultats d’apprentissage. Elle utilise les stratégies d’instructions les plus appropriées qui visent à atteindre les objectifs fixés initialement et à faciliter le transfert des connaissances. La composante donnée peut être subdivisée en plusieurs sous-parties selon les types d’environnement d’apprentissage tels que méthodes d’enseignement synchrone, classes en direct et classes virtuelles (Kaur, 2013). Chacune des sous-parties susmentionnées a ses propres points forts et points faibles.

Les avantages d’une classe en présentiel sont notamment la possibilité d’utiliser des documents originaux ou de bénéficier des savoirs provenant de pairs et d’experts, la possibilité d’avoir des discussions de groupe et des séances de pratique, ce qui peut être engageant et motivant. Parmi les inconvénients d’une classe en présentiel on peut citer l’aspect de trajet et l’adhésion à un horaire fixe. En outre, l’environnement d’une salle de classe peut placer l’apprenant dans un rôle passif. D’autre part, certains des avantages de la classe virtuelle sont la possibilité d’être présent virtuellement ainsi que la possibilité de partager un écran ou des documents sur Internet. Parmi les inconvénients, on peut citer le coût potentiellement élevé d’un poste de travail efficace et d’une connexion à haut débit. Par ailleurs, cela implique que l’instructeur/-trice doit posséder des compétences techniques suffisantes et être capable de créer une interaction virtuelle attrayante.

Outre les points forts et les points faibles des différents composants mentionnés ci-dessus, les chercheurs mettent en évidence une série de défis qui devraient être pris en considération chaque fois que nous tentons de créer un cours d’apprentissage mixte. En dehors des considérations techniques, il existe également des défis organisationnels, qui jouent un rôle crucial dans la conception du cours. L’un des défis les plus importants que l’instructeur/-trice doit surmonter est le point de vue selon lequel l’apprentissage mixte est moins efficace que l’enseignement traditionnel en classe. Parmi les autres défis à relever, il y a la redéfinition du rôle de facilitateur/-trice ou animateur/-trice, la gestion et le suivi des progrès des participants, la réflexion sur la manière comment il faut enseigner et pas seulement sur ce qu’il faut enseigner, la sélection du meilleur moyen de diffusion en fonction de l’objectif de performance, le maintien de l’interactivité des offres en ligne, l’engagement des participants et la coordination de tous les éléments de l’apprentissage mixte (Hofmann, 2011).

 

Aperçu de la recherche sur les bénéfices potentiels

Comme mentionné ci-dessus, le plus grand défi d’une approche d’apprentissage mixte est une combinaison efficace d’outils, de scénarios d’apprentissage et de stratégies d’enseignement. La formule donnée représente un grand défi pour les instructeurs/-trices, car l’approche de l’apprentissage mixte repose en grande partie sur la capacité de l’enseignant·e à concevoir un système pédagogique efficace, capable d’améliorer le processus d’apprentissage autonome des étudiants. Afin de créer un cours d’apprentissage mixte, l’enseignant·e a besoin d’un modèle de conception de système d’enseignement (DSI) (Chaeruman et al., 2020). La DSI peut être définie comme une activité qui vise à concevoir un programme d’enseignement ou de formation dans son intégrité. Certaines questions directrices peuvent être utilisées lors de la conception d’un cours d’apprentissage mixte, telles que: quelle devrait être la combinaison des éléments mixtes ? A quel moment est-il plus pertinent d’utiliser la méthode en ligne et la méthode en présentiel ? Comment intégrer deux approches afin d’atteindre les objectifs d’apprentissage ?

La recherche dans le domaine de l’éducation nous aide aujourd’hui à mieux comprendre comment nous devrions construire notre approche d’apprentissage mixte. Par exemple, certains critères définis peuvent nous aider à déterminer quand utiliser l’apprentissage asynchrone et quand utiliser des activités d’apprentissage synchrones. Ainsi, la conception d’une approche d’apprentissage mixte doit prendre en compte les points forts et les points faibles de l’environnement d’apprentissage. Ces éléments devraient toujours être pris en compte pour une conception pertinente d’un cours mixte. Il existe déjà de nombreux exemples d’une application réussie de l’approche donnée dans différents domaines.

Par exemple, l’approche mixte peut être utilisée pour faciliter l’apprentissage de la lecture dans les écoles primaires. Une étude illustre un tel exemple, dont l’objectif était d’aider les enfants à améliorer leurs compétences en lecture. Six écoles ont participé à cette étude, dont trois ont adopté une approche d’apprentissage mixte. Trois autres écoles ont conservé leur forme traditionnelle d’enseignement. Les résultats de cette étude ont montré que le groupe d’enfants qui a utilisé l’approche mixte a obtenu des résultats « après-test » significativement plus élevés par rapport à un groupe de contrôle. Ces résultats montrent qu’un cours bien conçu intégrant l’utilisation des technologies numériques peut favoriser le développement de la lecture chez les enfants. L’utilisation d’un cours d’apprentissage mixte dans cet exemple a permis aux enseignants de créer un environnement plus attrayant que les formes traditionnelles d’enseignement (Macaruso et al., 2020).

L’utilisation de l’approche mixte varie également en fonction du type d’environnement d’apprentissage et des domaines d’enseignement visés. Plusieurs études ont été menées pour révéler les facteurs qui jouent un rôle clé dans une mise en œuvre réussie de différents modèles d’apprentissage mixte. Ainsi, l’un des facteurs importants qui a été mis en évidence est la différenciation. Plus précisément, le modèle d’apprentissage mixte qui intègre des leçons en présentiel et la différenciation au moyen de plateformes digitales démontre une amélioration des performances d’apprentissage chez les élèves. Ainsi, le facteur de différenciation est parmi les plus grands contributeurs à la réussite des étudiants (Mathews & Ward, 2019). Ce résultat témoigne que les résultats d’apprentissage dépendent de la bonne conception et de l’adaptation de l’approche mixte en fonction des spécificités d’apprentissage d’un enfant. En d’autres termes, la réussite des élèves dépend fortement de la qualité du programme d’apprentissage mixte et de la capacité de l’enseignant à trouver ou à créer des cours adaptés aux besoins individuels des élèves.

 

Pratiques éducatives et stratégies d’enseignement

Les résultats d’apprentissage des étudiants dépendent de nombreux facteurs, notamment d’une stratégie d’apprentissage bien définie. Ainsi, l’engagement des étudiants pendant le cours est un indicateur crucial de la stratégie pédagogique de l’enseignant. Que doivent faire les enseignants pour encourager l’engagement des étudiants dans leurs cours ? L’apprentissage mixte entraîne des changements constants entre les types d’apprentissage synchrones et asynchrones, ce qui souligne l’importance de la structure du cours et du rythme d’apprentissage.

Afin d’engager les étudiants dans le processus d’apprentissage via les technologies, il est important de présenter une structure de cours claire et cohérente. Cette partie est cruciale car elle vise à expliquer précisément chaque étape et son format en montrant ce qui doit être accompli, quand et où réaliser les activités en présentiel, synchrones ou asynchrones. Il est également important d’établir un lien entre les activités synchrones et asynchrones afin de démontrer leurs interrelations. D’une manière générale, il doit toujours y avoir une connexion entre deux formats, comme dans le cas où des réunions synchrones complètent des activités asynchrones. De cette manière, les étudiants perçoivent mieux la valeur ajoutée des réunions synchrones, ce qui contribue à favoriser leur engagement comportemental et émotionnel. En revanche, les réunions synchrones doivent être structurées de manière à aider les étudiants à intégrer le contenu des tâches asynchrones précédentes. Cette approche permet aux étudiants d’approfondir le contenu du cours et de stimuler leur engagement cognitif (Heilporn et al., 2021).

Les activités du module asynchrone doivent inclure des outils numériques de support tels que des diapositives de présentation, des vidéos, des applications d’apprentissage en ligne, etc. L’enseignant·e peut également intégrer de courts quiz d’évaluation intermédiaire. D’une part, cela permettra à l’instructeur/-trice à engager les étudiants de manière interactive dans le processus d’apprentissage en stimulant leur participation et leur attention. D’autre part, cette approche permet à l’instructeur/-trice de s’assurer que les étudiants restent actifs pendant le mode asynchrone et restent donc engagés sur le plan comportemental. Une évaluation longitudinale peut également être utilisée pendant le semestre d’étude, car elle stimule l’engagement des étudiants et les aide à acquérir une meilleure compréhension du contenu.

Afin d’améliorer les réunions synchrones et de stimuler l’engagement comportemental des étudiants, l’enseignant·e peut promouvoir l’apprentissage actif en donnant aux étudiants des tâches adaptées telles que des activités de résolution de problèmes, des études de cas ou des sessions de jeux de rôle. De plus, l’instructeur/-trice peut engager les étudiants dans des débats et des discussions en équipe. Si l’activité de discussion a lieu en ligne, les élèves peuvent partager leurs opinions de manière interactive via le chat dédié ou l’application de sondage.

En outre, un·e enseignant·e peut imposer un travail de préparation avant les réunions synchrones. Cela permettra de stimuler l’intérêt des étudiants. Après les réunions en présentiel ou en ligne, l’enseignant·e peut encourager davantage l’engagement cognitif des élèves par des devoirs asynchrones en soulignant les interrelations entre les deux formats. Il est également important d’assurer une continuité entre les activités tout au long du trimestre scolaire. Par exemple, l’instructeur/-trice peut utiliser une illustration concrète continue comme un fil conducteur (Heilporn et al., 2021).

Un autre facteur important dans la conception de la stratégie d’enseignement via l’approche mixte est de garantir un rythme d’apprentissage constant. La recherche démontre qu’il est possible d’y parvenir en diversifiant les activités d’apprentissage. Le principe clé ici consiste à diversifier les modules de telle façon qu’ils diffèrent au moins légèrement. Cela aidera les étudiants à absorber le contenu plus facilement, car cette approche équilibre les activités et tient compte des préférences individuelles des élèves.

 

Conclusions

Malgré tous les avantages des technologies de l’approche mixte, le rôle d’un·e enseignant·e ou d’un·e instructeur/-trice reste essentiel, tant dans les environnements en présentiel qu’en ligne. Dans le contexte de l’apprentissage mixte, l’enseignant·e est un facilitateur du processus d’apprentissage qui vise à favoriser l’engagement comportemental et émotionnel des étudiants pendant le cours. De ce point de vue, favoriser l’engagement signifie guider les étudiants à travers toutes les étapes du processus d’apprentissage mixte. L’objectif clé de ce rôle est d’éliminer toutes les incertitudes du processus en rassurant les participants à chaque étape et en leur rappelant de sa présence et sa disponibilité pour les soutenir. La présence active de l’enseignant·e dans les cours en ligne synchrones et asynchrones contribue à promouvoir le sentiment de proximité. Cela contribue également à encourager les élèves à être plus conscients du processus d’apprentissage par un engagement plus actif dans les cours.

Bibliographie

Chaeruman, U. A., Wibawa, B., & Syahrial, Z. (2020). Development of an instructional system design model as a guideline for lecturers in creating a course using blended learning approach. International Journal of Interactive Mobile Technologies (iJIM), 14(14), pp. 164–181. https://doi.org/10.3991/ijim.v14i14.14411

Cronje, J. (2020). Towards a new definition of blended learning. Electronic Journal of e-Learning, 18(2), pp114–121. https://academic-publishing.org/index.php/ejel/article/view/1896/1859

Friesen, N. (2012). Report: Defining blended learning.

Graham, C. R. (2006). Blended learning systems. The Handbook of Blended Learning: Global Perspectives, Local Designs, 1, 3–21.

Heilporn, G., Lakhal, S., & Bélisle, M. (2021). An examination of teachers’strategies to foster student engagement in blended learning in higher education. International Journal of Educational Technology in Higher Education, 18(1), 25. https://doi.org/10.1186/s41239-021-00260-3

Hofmann, J. (2011). Top 10 challenges of blended learning. Training, 48(2), 12–13.

Kaur, M. (2013). Blended learning – its challenges and future. Procedia – Social and Behavioral Sciences, 93, 612–617. https://doi.org/https://doi.org/10.1016/j.sbspro.2013.09.248

Macaruso, P., Wilkes, S., & Prescott, J. E. (2020). An investigation of blended learning to support reading instruction in elementary schools. Educational Technology Research and Development, 68(6), 2839–2852. https://doi.org/10.1007/s11423-020-09785-2

Mathews, A., & Ward, C. (2019). Effective practices of successful blended learning schools. Frontiers in Education Technology, 2(2). http://dx.doi.org/10.22158/fet.v2n2p88

Starr-Glass, D. (2021). Moving from passive to active blended learning: An adopter’s experience. In Cases on active blended learning in higher education (pp. 23–42). IGI Global. https://doi.org/10.4018/978-1-7998-7856-8.ch002