Le DS en général

L’auto-évaluation de l’établissement

Françoise Reyter 15 Fév 2021

Le premier webinaire des « Mardis de l’IH2EF », conçu conjointement par le conseil d’évaluation d’école (CEE)[1] et l’institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF)[2], est consacré à l’auto-évaluation de l’établissement. L’évaluation des établissements étant un sujet majeur qui va articuler l’ensemble des politiques éducatives futures est abordée sous des angles variés par une tablée d’experts dont Béatrice Gille (présidente du CEE), Éric Charbonnier (analyste à l’OCDE) et Romuald Normand (professeur en sociologie, expert associé à l’IH2EF).

Le direct a permis d’exposer les finalités, le cadre et des recommandations de méthodes liées à la mise en œuvre de ces évaluations. Lors de ce webinaire ont également été abordés une perspective internationale, un éclairage de la recherche sur la dynamique collective induite par l’auto-évaluation d’un établissement ainsi qu’un témoignage de chef d’établissement sur la mise en œuvre d’une démarche d’auto-évaluation lors de la phase de préfiguration.

L’institutionnalisation exhaustive de l’évaluation des établissements scolaires s’explique par ses finalités. Si d’une part l’évaluation des établissements scolaires est un moyen pour reconnaître l’importance de l’établissement scolaire, de ses effets propres sur l’amélioration du système éducatif et de l’encourager dans cette voie, c’est aussi un moyen pour développer dans l’établissement une vision commune de la mission de service public, une évaluation partagée des effets et de l’impact des décisions qui sont prises dans l’établissement et d’élargir à cette occasion les pratiques collaboratives. Il s’agit tout d’abord d’améliorer la réussite des élèves et leur parcours, mais également la réussite et le bien-être de tous les acteurs – il s’agit de conforter et développer le collectif et la coopération entre l’ensemble des acteurs afin de créer le sentiment d’appartenance à l’établissement. Enfin il s’agit de faire de l’évaluation un vecteur d’apprentissage collectif et une occasion de développement professionnel de l’ensemble des personnels. (Gille, 2019)

Gille résume les principes de la méthode préconisée par le CEE en quatre points :

  • L’auto-évaluation et l’évaluation externe sont totalement intégrées et intégratives – en s’appuyant sur les ressources et les potentiels de chacun des établissements, ceux-ci conviennent ensemble entre auto-évaluation et évaluation externe du consensus sur les points forts et les points faibles de l’établissement, redéfinissent ses orientations stratégiques ainsi qu’un plan d’action et de formation.
  • L’auto-analyse et l’analyse globale de l’établissement pour avoir un regard systémique se fait à partir de son contexte et de quatre domaines principaux (les apprentissages et l’enseignement ; le bien-être et le climat scolaire ; les acteurs, la stratégie, le fonctionnement de l’établissement ; l’environnement institutionnel et partenariat de l’établissement).
  • Le recours à l’intelligence collective et la participation effective de tous les acteurs de l’établissement.
  • L’auto-évaluation et l’évaluation externe s’appuient sur le même référentiel.

L’évaluation des établissements est une histoire du 21e siècle. Ayant pris son essor au début du siècle, l’évaluation est aujourd’hui une pratique établie au niveau mondial. Si dans certains pays l’évaluation reste très centralisée, on observe une articulation évaluation externe/évaluation interne dans la plupart des pays. Ce développement des évaluations s’explique partant des tendances internationales à renforcer l’autonomie des établissements scolaires qu’il importe à tout prix d’évaluer vu le besoin dans la société d’aujourd’hui de prise de décisions sur base de données concrètes, c’est-à-dire le besoin d’une éducation fondée par l’épreuve. Face à l’importance renforcée de l’éducation aujourd’hui, il y a de plus en plus de demandes d’informations du public. L’éducation en tant que moteur de croissance économique d’une société, il importe d’évaluer les établissements pour en tirer bénéfice.

Les résultats de l’étude PISA de 2018 montrent l’effet très positif qui est attribué à la mise en place d’une culture d’évaluation des établissements et ce notamment sur la réussite des élèves.

L’analyse de ces statistiques internationales a permis à la France d’identifier des faiblesses de son système d’éducation telles que :

  • des pratiques collaboratives moins développées dans des établissements en France qu’ailleurs,
  • comparé aux autres pays, un accès restreint à une formation professionnelle coopérative,
  • moins d’engagement dans des projets d’établissement que dans la plupart des pays de l’OECD,
  • quant à la notion de l’auto-évaluation, seulement 23% des établissements en France collectent des données écrites sur les élèves.

Selon Charbonnier, ces faiblesses pourraient être corrigées grâce à l’auto-évaluation des établissements en promouvant l’esprit d’une culture de coopération et en impliquant tous les acteurs dans l’évaluation.

L’expertise portée sur le modèle d’une articulation évaluation externe/évaluation interne qui est en train de se généraliser dans tous les pays européens aujourd’hui, note que l’auto-évaluation permet d’ajuster la fréquence des évaluations externes des établissements. Même si l’auto-évaluation n’est pas forcément obligatoire dans certains pays, elle l’est dans la plupart. Dans deux tiers des cas quand il y a des auto-évaluations, on note l’importance de la notion d’impliquer tous les acteurs.

Le lien entre auto-évaluation et dynamique collective des établissements est scientifiquement établi. En effet les résultats de la recherche internationale depuis une dizaine d’années montrent des effets positifs de l’auto-évaluation sur l’amélioration de la réussite des élèves. Les effets positifs se présentent au niveau de la participation, de la coopération, du renforcement du dialogue avec les familles, du développement des pratiques collaboratives entre enseignants et dans l’échange de pratiques.

À travers la démarche de l’auto-évaluation, la communauté éducative gagne en réflexivité, comme le vécu des élèves au niveau du bien-être et du climat scolaire par exemple, peut être davantage intégré. Les besoins des élèves peuvent être mieux cernés pour faire en sorte qu’ils apprennent et réussissent mieux grâce aux données fournies par la démarche de l’auto-évaluation.

Normand invoque les résultats de la recherche internationale, qui montrent que l’auto-évaluation en général contribue à faire émerger voire développer ces pratiques collaboratives et de ce fait représente un bel outil pour renforcer la dynamique du conseil pédagogique. Or il y a des conditions : -Il  faut  que l’établissement ait un accompagnement externe, l ’idée de cet accompagnement est le renforcement de la dynamique collective portée par la démarche d’auto-évaluation. – Il faut dégager du temps pour se concerter en équipes pédagogiques et réfléchir ensemble sur les pistes d’amélioration possibles. – Il faut une équipe de direction pour mettre en œuvre la démarche, l’accompagner et organiser toutes ces concertations et qui peut aller jusqu’à un partage des rôles et des responsabilités. En matière de pilotage de l’auto-évaluation, Romuald Normand évoque les précautions méthodologiques telles qu’elles ont été pointées par la recherche internationale, à savoir qu’il s’agit d’un processus cyclique qui conduit dans le temps et qui met au centre l’apprentissage collectif et participatif de la communauté éducative.


[1] La mission générale du CEE consiste à évaluer en toute indépendance l’organisation et les résultats de l’enseignement scolaire dans le cadre de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, de ce fait le CEE a en sa responsabilité l’auto-évaluation et l’évaluation de l’ensemble des établissements scolaires.
[2] La mission de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF) est de sensibiliser et de former aux questions d’éducation et d’enseignement supérieur. L’IH2EF forme principalement les chefs d’établissement et les inspecteurs de l’éducation nationale, les cadres occupant des emplois de direction de l’enseignement supérieur, les cadres administratifs, les médecins scolaires et les emplois de haut encadrement.

Source : Webinaire « L’auto-évaluation de l’établissement »

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