Culture scolaire

Le bien-être des enseignant/e/s : les facteurs fondamentaux, effets et stratégies

Denis Shirnin 23 Mar 2022

La relation entre le bien-être des enseignant/e/s et les progrès des élèves

De nombreuses études considèrent l’état émotionnel et mental de l’enseignant/e comme un ensemble de facteurs importants pour une gestion de classe et une transmission efficace des connaissances. La recherche souligne l’existence d’un lien relationnel invisible entre l’instituteur/-trice et l’élève, qui est fortement influencé par le sentiment de bien-être de l’enseignant/e. La santé mentale du personnel scolaire affecte directement la qualité de leur enseignement et a donc un impact sur les progrès de l’apprentissage des enfants (Harding et al., 2019).

Le stress des enseignant/e/s est commun à tous les secteurs de l’éducation et est répandu dans tous les pays. Par conséquent, l’accumulation de stress entraîne une baisse de la satisfaction professionnelle et un épuisement professionnel. Les instituteurs/-trices qui subissent un stress permanent sont plus susceptibles de développer une mauvaise santé mentale. La recherche met en évidence plusieurs facteurs potentiels qui affectent le bien-être du personnel pédagogique et l’accumulation du stress. Ces facteurs comprennent les élèves non motivé/e/s, la discipline en classe, les auto-évaluations, la charge de travail, les exigences administratives, les conflits et les conditions de travail insatisfaisantes.

En outre, le bien-être des enseignant/e/s peut être mesuré par plusieurs autres facteurs qui, d’une manière ou d’une autre, affectent leur santé mentale. Ces facteurs sont la satisfaction dans la vie, le bonheur personnel et le fonctionnement psychologique positif. Tous ces éléments sont interdépendants. Par exemple, un fonctionnement psychologique positif dépend de bonnes relations interpersonnelles, d’un sentiment d’autonomie et de possibilités de développement personnel. En outre, le climat scolaire joue un rôle important dans le bien-être du personnel éducatif, car il influence leurs expériences quotidiennes au travail.

Le climat scolaire est essentiellement façonné par les attitudes et la culture établies par la direction de l’école. La recherche démontre qu’un climat scolaire négatif peut réduire la motivation des enseignant/e/s à agir et favoriser l’absentéisme. Ainsi, le climat et l’environnement scolaires peuvent affecter profondément le bien-être mental des élèves et des instituteurs/-trices (Glazzard & Rose, 2020). Selon les recherches actuelles, les relations positives entre l’enseignant/e et l’élève sont d’une grande importance, car elles aident les élèves à renforcer leur lien avec l’école et à améliorer leur bien-être. Par conséquent, les enseignant/e/s qui souffrent d’une mauvaise santé mentale sont incapables de créer et de développer pleinement ce lien de relations positives avec leurs élèves. Ces enseignant/e/s peuvent également avoir moins confiance en leurs propres capacités à aider et à soutenir le bien-être de leurs élèves, car ils/elles trouvent que c’est difficile pour eux-mêmes (Sisask et al., 2014).

Cette relation est décrite par différentes études où les chercheurs identifient deux facteurs relationnels dans les communications entre le personnel éducatif et élèves. Le premier facteur stipule que le bien-être de l’instituteur/-trice est souvent associé à une diminution des difficultés psychologiques des élèves. D’autre part, une dépression plus faible de l’enseignant/e est corrélée à un bien-être accru de l’élève. Ces études mettent en évidence l’existence d’un lien de causalité potentiel entre le bien-être des enseignant/e/s et la santé mentale des élèves.

Les instituteurs et institutrices participant à l’étude de recherche, dont l’objectif était d’analyser les effets du bien-être, ont indiqué qu’une mauvaise santé mentale entraîne le sentiment d’une performance médiocre et d’une faible délivrance. D’autres enseignant/e/s font état d’une baisse de confiance pendant l’enseignement, ce qui peut entraîner une détérioration du comportement des élèves. En outre, l’étude souligne qu’il est extrêmement important de s’assurer que le personnel scolaire save où s’adresser s’ils ou elles ont besoin d’un soutien.

Comme nous le savons, les enfants sont assez intuitifs pour déceler l’humeur de l’instituteur/-trice. Ils sont capables d’identifier immédiatement l’attitude générale et l’état mental de leur enseignant/e. La recherche démontre que lorsque les enseignant/e/s ont un mauvais état d’esprit, les élèves ont l’impression que les cours sont moins créatifs, moins amusants et plus stressants. Dans ces moments-là, les enfants ont tendance à travailler davantage en silence afin de ne pas contrarier leur professeur. Les enfants déclarent qu’à ces moments-là, leur apprentissage est ralenti parce qu’ils essaient de terminer leur travail rapidement pour ne pas être réprimandés.

Afin d’atténuer la situation, il existe plusieurs stratégies que les instituteurs/-trices peuvent prendre en compte pour améliorer leur résilience. Ces stratégies comprennent certaines actions personnelles, la hiérarchisation des tâches, le soutien des amis, de la famille, des collègues et de l’école. Les recherches sur le bien-être soulignent que la résilience des enseignant/e/s et professeurs est un outil personnel essentiel, capable de les aider à faire face aux situations difficiles.

Burnout et résilience des enseignant/e/s

La résilience est un processus relatif, dynamique et évolutif, qui implique des interactions individuelles et des conditions organisationnelles. C’est une qualité personnelle et une capacité humaine qui peut être développée et renforcée.

Selon diverses études, l’enseignement est considéré comme l’une des professions les plus stressantes (Johnson et al., 2005). La profession d’enseignant/e est souvent marquée par le stress et la fatigue, ce qui peut conduire à l’épuisement professionnel, à une mauvaise santé mentale et à l’abandon éventuel de la profession. L’épuisement professionnel représente en soi une réaction de l’organisme à une accumulation continue de tension et de stress. Cela peut avoir des conséquences négatives sur les performances professionnelles, telles qu’une diminution de l’engagement organisationnel, du turnover et de l’absentéisme (Burić et al., 2019).

Actuellement, l’épuisement professionnel des instituteurs/-trices est le plus souvent attribué au sentiment d’épuisement émotionnel et à l’attitude négative envers le travail comme principal syndrome d’épuisement. Cependant, il existe de nombreuses études qui démontrent l’existence de facteurs psychologiques influençant le bien-être du personnel éducatif. Ces facteurs comprennent la dépression, l’anxiété et la santé physique. Dans ce cadre, la recherche met en évidence un croisement conceptuel entre le burnout et la dépression où les symptômes psychologiques peuvent être considérés à la fois comme précurseur et conséquence du burnout. En prenant en considération le lien donné, il existe une théorie selon laquelle le burnout peut augmenter les symptômes psychologiques, ce qui à son tour augmente le niveau de burnout et stimule alors à nouveau l’augmentation des symptômes psychologiques.

À partir des éléments précédents, nous pouvons conclure que le burnout prédit la détérioration de la santé mentale. Les enseignant/e/s qui connaissent des niveaux élevés de burnout doivent fournir plus d’efforts pour maintenir le même niveau de performance, ce qui génère par conséquent plus de déséquilibre psychologique. Par contre, les enseignant/e/s qui connaissent déjà un certain niveau de mauvaise santé mentale (non clinique) ne rencontrent pas d’impact supplémentaire sur le niveau de leur burnout lié au travail.

D’autre part, la résilience, qui est une capacité individuelle à faire face au stress, est considérée comme un outil éventuel pour lutter contre le burnout et le stress. La recherche y réfère comme un facteur de protection personnelle dans le bien-être du personnel pédagogique. Plus précisément, la résilience peut être définie comme une capacité d’auto-adaptation dans diverses situations stressantes. C’est une capacité à garder un état mental équilibré malgré les difficultés. En ce sens, la résilience des enseignant/e/s doit être considérée comme un processus dynamique, qui se révèle au cours des interactions individuelles dans l’environnement de travail ou personnel. La recherche souligne les caractéristiques suivantes qui constituent la résilience de l’enseignant/e, à savoir l’auto-efficacité, la compétence sociale, les compétences pédagogiques ainsi que certains traits personnels tels que l’enthousiasme, la motivation et la stabilité émotionnelle.

Les instituteurs/-trices qui se sentent épuisé/e/s mentalement et physiquement sont moins capables de gérer la classe et de transmettre le contenu, ce qui les détache naturellement de leurs élèves. En revanche, les enseignant/e/s dont la résilience est plus forte présentent des niveaux plus faibles de déséquilibre émotionnel, de symptômes psychologiques et d’épuisement professionnel.

Impact des communautés d’apprentissage professionnel sur le bien-être du personnel scolaire

Un autre facteur jouant un rôle important dans le bien-être du personnel scolaire est le concept de communautés d’apprentissage professionnelles (CAP). Ce concept est étroitement lié et partiellement basé sur des travaux réalisés précédemment sur les écoles en tant qu’organisations d’apprentissage et sur le développement général des écoles (Stoll et al., 2003).

L’idée d’intégrer le concept de CAP dans les écoles n’est pas nouvelle et a été considérée comme l’une des mesures visant à stimuler la stratégie de développement professionnel continu. A titre d’exemple, cette idée a été promue en Angleterre, où le gouvernement a encouragé les écoles à devenir des CAP. La recherche menée en Angleterre, qui visait à évaluer cette stratégie, a mis en évidence plusieurs points. Selon les résultats, les “communautés d’apprentissage efficaces” se caractérisent par les attributs suivants : valeurs et vision partagées; responsabilité collective de l’apprentissage des élèves; collaboration axée sur l’apprentissage; apprentissage professionnel individuel et collectif; recherche professionnelle réfléchie; ouverture; réseaux et partenariats; adhésion inclusive; confiance, respect et soutien mutuels.

Des mesures similaires ont été prises en Finlande, où le gouvernement considère les “communautés de travail” comme un facteur important du développement des écoles. En outre, le travail collaboratif est un aspect important pour promouvoir la motivation du personnel éducatif et prévenir l’épuisement professionnel. Selon les recherches, l’esprit de collaboration des CAP est très apprécié par les enseignant/e/s car il ne s’agit pas seulement de connaissances mais aussi de travail et de développement en commun (Webb et al., 2009).

En Finlande, depuis de nombreuses années, différentes études soulignent l’importance de développer une “culture pédagogique partagée” et un sens plus fort de la communauté. Cet objectif a été atteint grâce à différents programmes qui ont encouragé le travail en commun et la planification collaborative. En outre, les valeurs des CAP sont promues par le développement professionnel continu des enseignant/e/s, qui, selon la recherche, est plus efficace lorsque les enseignant/e/s ont la liberté et le choix en ce qui concerne leur développement professionnel.

Un autre facteur du concept de CAP qui joue un rôle important dans le bien-être du personnel éducatif est la confiance. Dans la littérature, ce facteur est mentionné comme étant essentiel à la promotion et au maintien des CAP. Pour créer un bon climat scolaire, le facteur de confiance est central car il permet aux instituteurs/-trices d’avoir une disposition émotionnelle positive, moins de stress et d’anxiété, il favorise la facilité d’acceptation et rejette les doutes inutiles (Huang et al., 2019). Par conséquent, la communauté enseignante qui adopte de telles stratégies développe un échange plus facile de croyances et de pratiques, ce qui favorise l’innovation et le bien-être.

Actuellement, de nombreuses recherches soulignent un intérêt croissant pour le concept de CAP, car son potentiel représente une grande valeur pour le développement général de l’école, les résultats des élèves et le bien-être du personnel scolaire. Il est souvent mentionné que l’objectif primaire des CAP est d’accroître le potentiel d’apprentissage des élèves. D’autre part, de nombreuses études démontrent également l’importance de promouvoir le bien-être du personnel pédagogique et leur motivation pour l’apprentissage tout au long de la vie. Les politiques qui visent à soutenir la motivation et l’engagement des enseignant/e/s ainsi qu’à promouvoir des stratégies pour leur bien-être jouent un rôle crucial dans l’amélioration du climat scolaire et, par conséquent, du potentiel d’apprentissage des élèves.

Bibliographie

Burić, I., Slišković, A., & Penezić, Z. (2019). Understanding teacher well-being: A cross-lagged analysis of burnout, negative student-related emotions, psychopathological symptoms, and resilience. Educational Psychology, 39(9), 1136–1155. https://doi.org/10.1080/01443410.2019.1577952

Glazzard, J., & Rose, A. (2020). The impact of teacher well-being and mental health on pupil progress in primary schools. 19(4), 349–357. https://doi.org/10.1108/JPMH-02-2019-0023

Harding, S., Morris, R., Gunnell, D., Ford, T., Hollingworth, W., Tilling, K., Evans, R., Bell, S., Grey, J., & Brockman, R. (2019). Is teachers’mental health and wellbeing associated with students’mental health and wellbeing? Journal of Affective Disorders, 242, 180–187.

Huang, S., Yin, H., & Lv, L. (2019). Job characteristics and teacher well-being: The mediation of teacher self-monitoring and teacher self-efficacy. Educational Psychology, 39(3), 313–331. https://doi.org/10.1080/01443410.2018.1543855

Johnson, S., Cooper, C., Cartwright, S., Donald, I., Taylor, P., & Millet, C. (2005). The experience of work‐related stress across occupations. Journal of Managerial Psychology.

Sisask, M., Värnik, P., Värnik, A., Apter, A., Balazs, J., Balint, M., Bobes, J., Brunner, R., Corcoran, P., & Cosman, D. (2014). Teacher satisfaction with school and psychological well-being affects their readiness to help children with mental health problems. Health Education Journal, 73(4), 382–393.

Stoll, L., Bolam, R., McMahon, A., Wallace, M., Thomas, S., Hawkey, K., & Smith, M. (2003). Creating and sustaining effective professional learning communities. 16th International Congress for School Effectiveness and Improvement, Sydney, Australia.

Webb, R., Vulliamy, G., Sarja, A., Hämäläinen, S., & Poikonen, P. (2009). Professional learning communities and teacher well‐being? A comparative analysis of primary schools in england and finland. Oxford Review of Education, 35(3), 405–422. https://doi.org/10.1080/03054980902935008