À l’heure où plus de 1,5 milliard d’élèves et plus de 63 millions d’enseignants ont été confinés à travers le monde et n’ont pu se rendre dans les espaces physiques d’apprentissage à cause de la pandémie de la COVID-19, le débat autour du processus d’enseignement/apprentissage hybride ou Blended Learning (processus qui n’oppose pas la distance à la présence, mais correspond à un espace-temps différent) a été relancé.
Le terme Blended Learning a été utilisé dès 1999 (Friesen, 2012). Driscoll (2002), par exemple, identifiait quatre interprétations du Blended Learning qui dominaient la littérature à l’époque. Elles ont ensuite été simplifiées par Graham (2006) en trois concepts généraux : 1. la combinaison de l’enseignement en ligne et en face à face ; 2. la combinaison des modalités d’enseignement (ou supports de diffusion) ; et 3. la combinaison des méthodes d’enseignement. Graham remarquait à l’époque que les modèles adoptant la première définition sont les plus utilisés, la deuxième définition conservant un certain niveau d’utilisation dans le domaine de la formation professionnelle, et la troisième définition étant rarement utilisée. 15 ans plus tard, nous parlons surtout de la classe inversée (Staker et Horn, 2012 ; Graham et al., 2014), qui dans une grande partie des expériences se concentre uniquement sur la première définition que Driscoll (2002) a donnée il y a presque 20 ans. C’est pourquoi le concept de Blended Learning est limité à des cours préenregistrés pour une consommation en ligne dans la plupart des cas, et dans le meilleur des cas à des cours préenregistrés pour une consommation en ligne utilisés comme précurseurs d’activités en présence (qui pourraient inclure des discussions et/ou des activités basées sur une pédagogie par projets ou par la résolution de problèmes).
En évoquant le terme Blended Learning, dont les origines remontent à il y a plus de 20 ans (Peraya, 2014) comme indiqué plus haut, l’objectif est de dépasser la dualité de la présence et de la distance, en allant au-delà de la juxtaposition ou la succession des mêmes activités d’apprentissage en présentiel et à distance (Lebrun, 2021).
Pour cela, il faut commencer par réfléchir au processus d’apprentissage. L’apprentissage est une expérience motivée par des intérêts, socialement intégrée et connectée (Ito et al., 2013) où l’on peut trouver différents types de Blended Learning (ou d’hybridations) (Driesen, 2016) : enseignant/élève, analogique/numérique, formel/informel, passif/actif, etc. Ainsi, le terme Blended Learning devrait-il se concentrer sur les configurations qui facilitent le plus l’expérience d’apprentissage (Krasnova, 2015) afin de permettre aux processus d’enseignement-apprentissage de s’adapter aux contextes et aux espaces pour bénéficier de l’apprentissage formel, de l’apprentissage informel et des expériences de terrain (Zitter et Hoeve, 2012). Le Blended Learning nous permet d’associer les personnes, les espaces, les ressources, les technologies et les processus d’une manière plus contextualisée (Arnab, 2021). Les besoins et les contextes des personnes informent sur l’espace qui sera pertinent pour l’apprentissage, sur les types de ressources qui peuvent être mobilisées et optimisées, et sur les technologies qui peuvent le permettre (Arnab, 2021).
Dans un monde où les frontières des contextes formels et informels s’estompent, le Blended Learning ne peut pas se limiter à une configuration de contenus dispensés à distance et en présentiel et devrait évoluer avec les situations, les ressources et les technologies qui apparaîtront à l’avenir, donnant aux apprenants plus de liberté pour imaginer, créer et expérimenter, ainsi que plus d’autonomie. Cela pourrait être l’occasion d’utiliser le Blended Learning pour mieux comprendre la conception et le processus d’une expérience d’apprentissage, pour tracer l’expérience d’apprentissage, ainsi que la mise en place des connaissances et des compétences.
Comme évoqué précédemment, différents chercheurs ont été des pionniers de ce sujet (Geneviève Jacquinot, Viviane Glikman, Daniel Peraya, etc.), alors que d’autres chercheurs (Annie Jézégou, Bernadette Charlier, Josiane Basque, etc.) ont récemment travaillé sur le rôle du Blended Learning ou Apprentissage Hybride dans différents contextes, ce dossier thématique est une invitation pour continuer à réfléchir, construire et probablement transformer nos pratiques pédagogiques grâce aux différentes approches issues du Blended Learning.